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Un Peu De Moi

  • Dr Boubacar Ba
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23 mai 2020 6 23 /05 /mai /2020 03:56

Groupe Interdisciplinaire de Recherche pour l’Appui à la planification régionale et le développement local (GIRARDEL)

Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal

Appel à contributions

Numéro thématique des Cahiers du GIRARDEL

Sous la Direction de Dr Boubacar Ba (UGB, Sénégal), la Coordination du Pr. Sidy M. Seck (GIRADEL, UGB), du Pr. Mouhamadou Maouloud Diakhaté

et d’un Comité Scientifique International

 

Décentralisation et développement territorial au Sénégal : permanences et ruptures

 

La décentralisation est depuis quelques décennies, en Afrique francophone, une composante essentielle dans le dispositif de gestion et d’administration des territoires (Totté M. et al.  2003; Mback N. C., 2003). Au Sénégal où elle est une vieille tradition, elle a subi et traversé beaucoup de mutations qu’on peut, à la lumière de la situation actuelle, considérer comme un processus d’affinement de la responsabilisation des populations (Ba, 2016 ; Diop, 2016). Elle est jalonnée par un processus de transfert de pouvoirs et de décisions à la population avec une certaine parcimonie pour l’adapter au niveau de maturité politique et citoyenne de celle-ci (Diop D., 2006 ; Diop A., 2011). La première réforme dans ce sens après l’accession du Sénégal à l’indépendance est le Code de l’administration communale par la loi 66-64 du 30 juin 1966. Cependant, tel que son processus est officiellement conçu, la décentralisation, dans sa quête continue d’un développement territorialisé, est matérialisée par trois réformes majeures.

D’abord, la réforme de 1972 qui a recréé l’armature territoriale nationale avec l’introduction d’une dichotomie entre l’espace rural et l’espace urbain. Mais au fil des années, et avec l’avènement des politiques d’ajustement structurel et le besoin de démocratisation des systèmes de gouvernance, il a fallu introduire une autre dynamique adaptée au nouveau contexte de développement local des années 1990. C’est à partir de là qu’une deuxième réforme majeure sera entreprise en 1996, pour répondre aux critères de bonne gouvernance, notamment à travers la responsabilisation des acteurs locaux. C’est le Code général des collectivités locales, le transfert de neufs domaines de compétences aux collectivités locales et la régionalisation, qui vont matérialiser ce nouvel élan du Sénégal. Cette réforme de 1996 place la région au rang de première collectivité dans l’architecture de l’administration locale et comme le moteur du développement local. Après que cette régionalisation a montré ses limites en matière d’impulsion et d’harmonisation du développement territorial, le Sénégal s’est engagé dans une nouvelle réforme, en l’occurrence, l’Acte III de la Décentralisation promulgué en 2013. Elle s’adosse sur un dispositif politico-institutionnel renforcé par la mise en place de nouvelles institutions ainsi que la création d’un nouveau code des collectivités territoriales, ceci pour réparer les inégalités et incohérences que « l’écosystème » territorial sénégalais continue de traîner depuis l’indépendance. La réforme de 2013, communément appelée Acte 3 de la décentralisation, est structurée autour de trois objectifs :

  1. la communalisation intégrale pour l’homogénéisation des échelons de base ;
  2. la départementalisation qui déclasse la région de l’architecture territoriale ;
  3. l’émergence de pôles de développement territorial capables de dépasser les inégalités régionales.

 

Ailleurs, en Afrique également, la décentralisation a réussi à s’imposer au sein d’États jacobins et parfois autoritaires, donc peu préparés ou enclins au partage du pouvoir. Aujourd’hui, elle est quasiment inscrite dans un processus d’irréversibilité parce que de plus en plus perçue et vécue comme un outil stratégique de développement territorial et d’approfondissement démocratique. Depuis 2013, l’option de la territorialisation des politiques publiques de développement par le gouvernement sénégalais s’inscrit dans ce contexte, et mieux, consolide le rôle d’avant-garde des collectivités dans la mise en œuvre des activités de développement et d’aménagement du territoire. Ce renforcement de la position stratégique des territoires et de la décentralisation, bien que salué par les acteurs territoriaux, révèle au grand jour un certain de nombre de contraintes. D’abord, il pose les jeux et enjeux de compétences entre les pouvoirs centraux et les collectivités territoriales, ensuite l’opposition entre la diversité des territoires et l’unicité, voire l’uniformité, des lois et enfin les difficultés d’appropriation territoriale auxquelles sont confrontées les collectivités en raison de leur incapacité à connaître leur territoire en termes de limites (foncier, découpage), de ressources (humaines et naturelles), ce qui in fine compromet leur rôle de pôle de développement.

L’expérience des collectivités territoriales à forte identité (culturelle, religieuse, géographique, etc.) démontre les difficultés et peut-être l’incongruité d’appliquer les lois de manière uniforme sur l’ensemble des territoires décentralisés. Alors, faudrait-il dans de telles situations aller dans un approfondissement de la législation territoriale qui tienne compte de la différenciation territoriale de manière à considérer les spécificités locales et territoriales et de s’affranchir de cette tradition « unitaire et indivisible » qui a présidé à l’organisation des territoires au Sénégal ? Cette question sur les spécificités est d’autant plus fondamentale qu’elle pourrait aider à réfléchir sur le trouble noté dans la répartition et l’exécution des compétences entre les différentes administrations mais également entre les échelles territoriales. Par exemple, quelles articulations mettre en place entre les collectivités territoriales et les nombreux projets de l’État central (PUDC, PUMA, PROMOVILLES, construction d’infrastructures dans les cités religieuses, etc.) de façon à ce qu’ils soient des projets de territoires (pensés et exécutés avec les acteurs territoriaux) plutôt que des projets de l’État central ?

En matière d’administration des ressources et de l’espace territorial, notamment sur les questions de sécurité, les appels à la réforme de l’administration centrale n’ont cessé d’être faits par les acteurs territoriaux. Bien que la décentralisation sénégalaise soit érigée en modèle, l’actualité du Covid-19 a mis au jour d’importantes divergences entre pouvoir central et pouvoirs territoriaux décentralisés, notamment sur le rôle famélique accordé aux élus locaux dans la gestion de la crise. Une situation qui remet en surface un manquement institutionnel de la décentralisation sénégalaise relatif au statut du maire. Par exemple, comment comprendre qu’en situation d’état d’urgence et de couvre-feu que les élus locaux, dans leur territoire, soient dépossédés par le pouvoir central qui les confine au même rang que leur population ? N’est-ce pas là, l’expression d’une décentralisation bloquée et la prééminence des pouvoirs centraux et déconcentrés sur les pouvoirs locaux ? Le contexte du Covid-19 est symptomatique d’une situation plus globale qui fait qu’à chaque fois qu’il s’est agi de gestion de crise (inondations, sécheresses, intempéries, etc.), les élus locaux sont victimes d’une « mise à l’écart » en ce qui concerne les prises de décision et l’administration des ressources. Les structures déconcentrées de l’État (gouverneurs, préfets, sous-préfets, services techniques de l’État) sont mises en avant alors que dans un schéma de décentralisation plus achevé, les élus devraient (en tant de dépositaires de la légitimité populaire), bénéficier de responsabilités plus affirmées et avec de plus de visibilité y compris au plan médiatique.

Tout ce qui précède définit le contexte global de réflexion autour duquel sera construit ce numéro spécial des Cahiers du GIRARDEL. De manière plus spécifique, cet appel à contributions a pour objectif d’analyser de manière critique les dynamiques de la décentralisation africaine en général et sénégalaise en particulier afin de répondre aux impératifs juridico-institutionnels, financiers et spatiaux du développement des territoires. Quelles lectures faire du processus de décentralisation au Sénégal et en Afrique ? Comment a-t-il contribué à la culture du développement territorial ? Quels sont le sens, la portée et les limites de la territorialisation des politiques publiques de développement dans un contexte décentralisé ? Quelles sont les innovations de la décentralisation ? Comment se traduisent-elles dans la pratique ? Quelles sont leurs pertinences et limites ? Quels obstacles à l’accomplissement de la décentralisation sénégalaise ?  Quelles sont les évolutions à court et moyen termes ? Telle qu’elle est mise en œuvre, la décentralisation creuse-t-elle ou réduit-elle les inégalités territoriales ? Comment les multiples acteurs (État central, structures déconcentrées de l’État, collectivités territoriales, OSC, etc.) défendent-ils, négocient-ils leurs visions, leurs positions, leurs champs de compétence, le contrôle et la gestion des ressources publiques ? Quelles lectures faire des rapports entre les structures déconcentrées de l’État et les collectivités territoriales ? Quelles articulations entre collectivités locales et Pôles de développement territorial autrement appelés Pôles-territoires ?

L’ensemble de ces questionnements sera traité à travers trois thématiques :

  1. Décentralisation et territoires ;
  2. Décentralisation et gouvernance locale (contraintes et limites) ;
  3. Perspectives d’amélioration des politiques de décentralisation (différenciation territoriale, expérimentation territoriale, durabilité).

 

Cet appel à contributions des Cahiers du GIRARDEL est lancé pour des productions scientifiques pluridisciplinaires, en provenance de toutes les disciplines des sciences sociales, humaines et politiques. Nous privilégierions des analyses novatrices permettant un regard renouvelé sur les expériences de décentralisation au Sénégal et en Afrique francophone. 

Un Comité Scientifique International est mis en place pour le pilotage et la validation de ce numéro spécial des Cahiers du GIRARDEL dont la direction est assurée par Dr Boubacar BA et la coordination par Pr Sidy M. SECK et Pr Mamadou Maouloud Diakhaté.

Veuillez envoyer le résumé de votre contribution (400 mots au maximum) au plus tard le 30 juin 2020, aux adresses suivantes :

Boubacar Ba : boubacar.ba@ugb.edu.sn

brahima Diatta : ibrahima.diatta@ugb.edu.sn ou ibrahima.diatta@gmx.fr

Rougyatou Ka : karougy92@gmail.com

 

Les auteurs des résumés sélectionnés par le Comité Scientifique International seront informés avant le 15 juillet 2020 et un délai leur sera accordé pour produire leur article.

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27 février 2017 1 27 /02 /février /2017 12:41

En nous appuyant sur le cas du Sénégal (notamment à travers une analyse critique du Plan Sénégal émergent), notre objectif est de montrer comment le concept d’émergence est parvenu à « supplanter » celui de développement et à lire les implications épistémologiques, théoriques, institutionnelles et géopolitiques imputables à une telle situation. Pour ce faire, notre contribution propose une historiographie et une archéologie du concept d’émergence. Elle met en lumière comment il est arrivé à exercer autant de séduction auprès des décideurs politiques sénégalais et comment son triomphe signe du même coup la perte d’attrait du concept de développement. Une bonne partie de l’analyse cherche à montrer si le nouveau concept introduit réellement des ruptures dans les stratégies et les modèles de développement du pays ou s’il n’est en réalité qu’un nouvel avatar de la « novlangue du développement ». Autrement dit, s’il n’est que le produit d’une nouvelle mode intellectuelle dans le « marché du développement » où on voit apparaître régulièrement des mots-fétiches : développement endogène, lutte contre la pauvreté, ajustement, femmes et développement, développement local, territorialisation des politiques publiques, changement climatique, économie verte, etc. L’émergence est-elle simplement une voie intermédiaire dans la trajectoire du développement ? Son triomphe est-il plutôt porteur de ruptures paradigmatiques par rapport auxquelles la sociologie et l’économie du développement devraient faire leur aggiornamento, autant dans leur orientation, leurs modèles théoriques que leurs enseignements ? Voilà autant de questions auxquelles ce papier tente d’apporter des réponses.

 

Lire ici l'intégralité de l'article

http://file:///Users/macbookretina/Downloads/mamadou_dime_l_emergence_en_lieu_et_place_du_developpement_au_senegal_changement_cosmetique_nouvelle_mode_institutionnelle_ou_r_evolution_paradigmatique.pdf

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27 février 2017 1 27 /02 /février /2017 12:30

La territorialité et la gouvernance locale sont deux composantes de la politique publique sénégalaise dont les origines remontent très loin dans l’histoire du pays. Déjà, dans le Sénégal des royaumes et des provinces, l’appropriation territoriale par un marquage social et politique de l’espace physique était l’un des moyens de différenciation qu’empruntaient les différents pouvoirs, du Waalo au Kaayor en passant par le Jolof, pour exister les uns à côté des autres. Cette différenciation permettait par ailleurs à ces pouvoirs d’exercer des compétences empreintes de quelques spécificités, car n’étant ni centralisées ni territorialisées au sens spatial, mais plutôt axées sur les contrôles des communautés humaines. Il faudra attendre l’administration coloniale, dont la principale stratégie de domination reposait sur la spécification du territoire par le découpage physique, pour que la territorialité et la gouvernance à l’intérieur des entités découpées soient érigées en mécanisme de gestion des ressources territoriales ; ce processus s’accompagnera d’un processus de qualification des entités spatiales, sur des critères économiques, physiques et socioethniques. Ainsi, chaque entité territoriale obtenait une identité spécifique.

Aux politiques coloniales succèdent, après l’accès à l’indépendance, une série de réformes portant sur la trame territoriale et les modes d’administration. Parmi les plus marquantes, on peut noter le transfert de la capitale nationale de SaintLouis à Dakar (1958), la division du Sénégal en sept régions administratives et territoriales (1960), la modification des rapports fonciers par la loi 64-46 sur le domaine national (1964), la réforme administrative et territoriale de 1972, celle de 1996 et enfin l’acte III de la décentralisation.

Malgré ces réformes, la problématique territoriale et surtout les mécanismes de gouvernance sont restés une préoccupation majeure dans le pays, comme en témoignent les relations « difficiles » entre l’État central et la Ville de Dakar (Diouf & Diop 1990). Cette situation révèle au moins, parmi d’autres enseignements, le besoin d’une clarification des concepts ainsi qu’une objectivation des réformes et des logiques d’aménagement avec les acteurs concernés.

Mon étude analyse le cheminement territorial du Sénégal et essaie de rendre intelligibles les impensés et les enjeux qui marquent la territorialité. La démarche méthodologique utilisée est essentiellement axée sur une exploitation de la documentation existante, des entretiens et un traitement cartographique des données retenues. 

La première partie des résultats de ce travail est consacrée à l’analyse théorique du territoire, des territoires et des territorialités. La deuxième partie s’intéresse à la territorialité au Sénégal dans la période de la « Présidence du Conseil » et de la première décennie postindépendance. Quant à la troisième partie, elle aborde la territorialité sous l’angle de la décentralisation administrative et territoriale, avec un accent particulier sur l’Acte III de la décentralisation.

Lire ici l'intégralité de l'article

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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 14:00

images.jpgSelon Mme Karirekinyana, la patronne de l'ACEC (en image), le projet d’agro-développement répond aux critères de développement local à dimension sociale et de lutte contre la pauvreté pour les projets financés sur le Fonds Social de Développement (FSD). Afin de se rendre compte sur le terrain des différents aspects de ce projet, l’Ambassadeur de France, M. Jean Lamy, a participé le 27 avril à Matara à une opération pilote de plantation de cataire, dont les graines avaient été produites à Bujumbura par l’ACVE partenaire du projet, en compagnie de la directrice générale de l’ACECI, Mme Ginette Karirekinyana, d’un chercheur de l’Ecole Polytechnique de Montreal, du directeur de l’ISABU (Institut des sciences agronomiques du Burundi) et des responsables concernés de la commune. 

 

Le descriptif du projet : http://www.aceci.org/LAM.asp 

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 16:44

Et si on créait une loi contre la pauvreté !

N'est-ce pas là un moyen efficace de donner la respectabilité totale et entière à l'humain. Personnellement, j'en doute pas du tout. De la même façon qu'on a instauré des lois pour le respect de la nature et des droits humains, des lois pour la protection des animaux et des espèces rares, ne vous semble-t-il pas temps et justifié qu'on en mette une loi pour les hommes, les femmes et les enfants de notre chère planéte. Quand je pense à cette question, me vient toujours à l'esprit cette remarquable interrogation d'un paysan sénégalais en 1997, dans le Bassin arachidier, à l'endroit des experts que nous étions ''pourquoi l'homme ne fait pas partie des ressources naturelles''. Il avait, ce paysan, compris qu'il ne fallait pas dissocier la question de la protection des ressources naturelles de la question du développement humain.

Des années se sont écoulées depuis. Mais c'est au Canada, à Québec, que je viens de trouver une organisation, qui en plus des actions de développement qu'elle mène sur le terrain, s'est engagée résolument pour une fin définitive de la pauvreté dans notre planéte. Du point du vue théorique, du point de vue économique et du point de vue juridique, je peux voir déjà les reproches et les limites que certains seront tentés de porter à ce projet. Cependant, je m'empresse de dire, qu'à cela ne tienne, au moins, munissons-nous d'un outil juridique qui puisse permettre aux citoyens d'interpeller leurs autorités sur les besoins essentiels. Je sais que cette dimension représente pour certains décideurs politique l'éccueil principal qui leur fait craindre une telle loi. Mais accepterons-nous que dans un monde de plus en plus riche, de plus en plus mondialisé, qu'il y ait autant de personnes à la marge ? Ceci doit être le combat de tout le monde. Si vous êtes à Québec, n'hésitez pas à aller soutenir cette belle initiative de l'ACECI, le 25 mars 11.

Pour en savoir plus, lire le lien suivant

link    http://www.aceci.org/

 

invitation[1]

 

 

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 18:05
Une[1]  grande offensive pour la nourriture et l’abondance (GOANA), c’est la réponse du Sénégal à la crise alimentaire. Mais, de la crise alimentaire aux malaises du monde rural en passant par le chômage dans les centres urbains, ce sont cinquante années de développement économique et social du Sénégal et de l’Afrique qui se trouvent ainsi auscultées.  Des succès sont certes réalisés, mais tout le monde s’accorde qu’ils sont insuffisants à notre bonheur. D’où l’urgence des prochaines années et notamment d’une question : comment cultiver l’avenir du monde rural au Sénégal afin que celui-ci soit le fondement d’un développement économique endogène et ouvert sur le monde ?
Pendant que les grands pays développés ont séché la première conférence de la FAO à Rome après l’année de crise alimentaire, un certain nombre de pays du Sud essayaient de mettre en œuvre des réponses.  Parmi ces pays, le Sénégal s’est singularisé en affichant dès le début une position pour le moins polémique et originale face à la FAO mais aussi en essayant dans la foulée d’enclencher une nouvelle dynamique agro-alimentaire.
En effet, le Président de la République du Sénégal avait sonné l’alerte et avait invoquait une solution hardie et révolutionnaire. Mais probablement, le fait d’avoir accusé les institutions onusiennes d’inefficacité absolue sur la question a brouillé son message et du coup en avait limité la portée. Il avait, on s’en souvient, pointé un doigt accusateur – à juste raison - sur les grandes institutions spécialisées sur l’agriculture et l’alimentation et sur les effets contre-productifs de l’Aide alimentaire. Le président Wade avait raison. Il avait raison de contester non la pertinence, mais l’utilité de la FAO et de dénoncer l’obsolescence de l’Aide alimentaire. Cette diatribe de Maître Wade posait justement la question de l’adaptabilité et des capacités de ces organismes à résoudre les problèmes alimentaires. Je me propose de revenir sur la question dans ma prochaine contribution. En même temps qu’est-ce qui est fait dans nos pays face à ce problème ?
Si je reviens à la crise alimentaire, c’est parce que je suis de ceux qui pensent qu’elle n’était pas une véritable crise, encore moins pour le Sénégal. Elle était plutôt l’expression de l’essoufflement d’un système marchand et d’une approche du fait alimentaire, en l’occurrence la sécurité alimentaire, par le marché. Donc, pour le Sénégal, ce qui était nommé crise ne l’était pas du tout. Il s’agissait surtout, et encore, d’un problème structurel récurrent de l’économie et de l’agriculture du pays dont les dysfonctionnements rendent, par moment, extrêmement difficile la satisfaction des besoins alimentaires. La source de ce problème structurel est évidemment lointaine. On pourrait la chercher dans la colonisation, mais personnellement après cinquante années de souveraineté, il me semble que nous devrions désormais assumer nos erreurs. C’est pourquoi, les causes aux problèmes alimentaires de notre pays, je les situe plus dans les choix économiques et alimentaires du pays depuis notre indépendance. Je pense que le manquement le plus important, c’était celui de n’avoir jamais pensé l’économie, la question alimentaire et l’aménagement du territoire comme un système global. La structure de production économique, malgré les changements introduits au fil des années, est demeurée une structure typiquement rentière, figée dans des parallélismes qui interdirent et interdisent encore toute synergie, empêchent un ancrage territorial ; et ce faisant expliquent que les populations, urbaines et rurales, n’ont jamais pu disposer de solutions convenables et durables à leurs problèmes alimentaires. En revanche, il s’agit d’une structure extrêmement poreuse, sensible aux vicissitudes climatiques et au marché international comme le témoignent si clairement les pénuries observées actuellement à travers le pays. Avec une telle structure, il conviendrait de dire que quelles que soient les politiques préconisées, et leur efficacité et leur impact sur les populations seront toujours subordonnés à la forme d’organisation qui sera choisie sur la totalité du territoire national.
Il s’agit là d’une perspective territoriale innovante pour la satisfaction des besoins alimentaires et plus généralement du développement du pays. A mon avis, elle pourrait être envisagée avec la GOANA, celle-ci étant vue, conçue et mise en œuvre comme un macro-outil et une macro-technostructure avec lesquels chaque portion du territoire sera mise en valeur compte tenu des spécificités socioéconomiques et écologiques locales. Mais je me précipite d’ajouter à la condition qu’elle soit, cette GOANA, articulée à une administration territoriale repensée et réadaptée aux conditions actuelles de développement.
Dans le cadre d’une nouvelle administration territoriale, il faudrait qu’elle soit génératrice d’espaces pertinents de production, de commercialisation et consommation alimentaire. Pour ce faire, deux à trois mesures me paraissent nécessaires à prévoir. Dans un premier temps, et le Président Wade en avait parlé il y a quelques années, il faut aider les communautés paysannes à se doter de structures modernes de participation aux prises de décision. Les organisations syndicales en seront une composante, mais aussi il faut penser à créer des organismes capables de contribuer à valoriser la production agricole dans sa toute sa diversité. Et dans ce sens, le développement d’une économie sociale innovante axée sur la coopération rurale (fondée sur l’actionnariat) et un maillage territorial systémique et graduel pourrait être un outil efficace aux mains des paysans pour faire face aux banques et aux commerçants. Acteurs conscients et formés, les coopératives et les syndicats ruraux seront à même de discuter avec les autres pouvoirs publics et privés sur les choix de production, les prix, l’accès au crédit et aux intrants, mais aussi d’organiser les sessions de formation sur par exemple les itinéraires de production et sur la gestion des marchés. Il s’agit là du deuxième préalable à une véritable autosuffisance alimentaire et mieux à la réalisation des conditions de sécurité alimentaire satisfaisantes sur l’ensemble du territoire. Le troisième préalable auquel l’on devrait travailler, c’est celui de définir une sorte de convergence des défis, des enjeux, des objectifs et des moyens pour y aller. Dans ce sens, la GOANA deviendrait une dynamique, donc un outil adaptable, à travers laquelle, périodiquement est défini un Pacte rural de développement des territoires.
La population rurale est certes la plus importante du pays (65 %), mais elle doit aller dans le sens de nourrir la population urbaine, et non l’inverse. Si elle y arrive, la GOANA aura ainsi renouvelé la ruralité sénégalaise et aidé le Sénégal à structurer sa population rurale au service du développement économique du pays. Elle aura aussi mis fin au cercle vicieux du système alimentaire actuel qui n’a cessé depuis cinquante ans de creuser le déséquilibre de la balance commerciale du pays. 
Si l’on pouvait au lendemain du cinquantenaire se réveiller dans un pays où la question de la production de nourriture, son accès et sa disponibilité n’est plus liée au marché international, mais à des dynamiques endogènes, avec des effets multiplicateurs, l’on pourrait dire que le Sénégal amorce l’émergence économique durable.

 

Dr Boubacar Ba

Fondation Biotechnologie pour le développement durable en Afrique, Canada

boubac837@gmail.com



[1] Ce texte est protégé par un copyrigth  

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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 17:52

 

Il y a de ces notions qui sont inspirent tellement la générosité qu'on se passe, hélas souvent, de l'obligation de les interroger, de nous interroger sur leur pertinence, sur ce qu'ils charrient et mieux sur leur application et leur acceptabilité sociale. Parmi ces notions figurent en bonne place la sécurité alimentaire. Voila une notion qui est coeur de l'actualité depuis deux ans, qui occupe une place centrale dans les politiques de développement des pays sud et dans le commerce mondial. Présentée comme une solution, jamais reniée, même au pire de la crise alimentaire de 2008, plutôt "relookée" pour s'adapter aux évolutions commerciales postcrises. Solution insuffisante, inadéquate durablement, la « sécurité alimentaire » reste néanmoins l’approche privilégiée par un grand nombre d’Etats, de Bailleurs de fonds et d’organismes d’appui au développement dans le cadre de combat la famine et la malnutrition. Cette approche est faiblement soutenable par les économies des pays dans lesquels elle est appliquée et nuisible pour leur développement à long terme.


ContenusSecuAlim-copie-1L’expression a commencé à entrer dans le langage courant au lendemain de la Première Guerre. Comme pour le contrôle des  ressources naturelles et minières, elle était le fait des États et renvoyait au contrôle des territoires et des pouvoirs (Raffestin, 1980). L'alimentation qui, jusque-là, était perçue comme un produit agricole ou industriel, devenait un moyen de domination, une arme « soft » que des pays utilisaient et utilisent encore dans leurs relations internationales. C’est à cette époque que l’alimentation a acquis une signification de sécurité nationale, impliquant au niveau des pays, la constitution de stocks d'aliments dits « stocks stratégiques et de sécurité » et aussi la mise en place de politiques de soutien à l’agriculture.

À ses débuts, la sécurité alimentaire suggérait la préservation des souverainetés nationales en matière alimentaire, d’où son rapprochement avec les principes qui commandent l’autosuffisance alimentaire. Cette vision faisait de l’agriculture et de la production des denrées les deux piliers de la sécurité alimentaire. Quelques années plus tard, le concept a beaucoup évolué, et de nos jours, notamment dans les pays du Sud, il fait penser à l’Organisation mondiale des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à la Banque mondiale, ou encore au marché mondial. Ces deux organismes ont utilisé le concept pour développer des approches similaires dans le but de faire face aux problèmes alimentaires dans le Sud. Au niveau de la FAO10, dans une définition de 1983 actualisée en 1996, la sécurité alimentaire existe dans un pays « lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment et en tous lieux, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive pour mener une vie saine et active »11. Quant à la Banque mondiale, elle définissait le concept comme étant l’accès de tous les individus à tous les moments à suffisamment de nourriture pour mener une vie saine et active. Ces deux définitions quelque peu complémentaires mettent l’accent sur l’offre de produits alimentaires, sur les capacités financières des populations à les acheter et sur la disponibilité de ces produits sur le marché local. La disponibilité, l’accès et la stabilité des aliments sont dans une politique de sécurité alimentaire les moyens de lutter contre la spéculation, d’assurer des prix corrects et peu chers aux consommateurs. La disponibilité est réalisée par la combinaison des offres intérieures, des importations, des aides alimentaires et des stocks. L’accès repose en principe sur une prise en compte des revenus, sur la distribution gratuite d’aliments et sur l’organisation du marché. Quant à la stabilité, elle inclut la notion de vulnérabilité et constitue la principale cause de l’insécurité alimentaire en Afrique.

À la lumière des trois composantes de la sécurité alimentaire (disponibilité, accès et stabilité), Shapouri et Rosen ont développé en 1999 trois indicateurs qui mesurent les niveaux de satisfaction de l’alimentation : l’écart de consommation, l’écart de nutrition et l’écart de distribution. Ces indicateurs sont aujourd’hui très usités parce qu’ils permettent de mesurer l’ampleur et la diversité des crises alimentaires, aussi ils offrent un éclairage saisissant sur la réalité de la crise. En Afrique noire où ils ont été appliqués, on note que les écarts de consommation sont passés de 6,7 millions tonnes en 1998 à 12,1 millions de tonnes en 2008, les écarts de nutrition de 13,9 millions de tonnes à 22,4 millions de tonnes et l’écart de distribution de 17,9 millions de tonnes à 27 millions de tonnes. De tels ratios expriment l’approfondissement de la crise alimentaire durant cette décennie et l’ampleur ainsi que l’urgence des actions à mener pour inverser cette tendance. Au Sénégal par exemple, de 2002 à 2007, la production céréalière a été en moyenne de 923 638 tonnes avec une tendance générale à la baisse. En 2006/2007, en dépit des potentialités agricoles, la production a baissé de 341919 tonnes par rapport à 2005/2006, soit 42,5 % en valeur relative. Pendant que la crise était présentée comme une crise mondiale, elle était en réalité extrêmement régionalisée et localisée. Sur les 37 pays du monde affectés, 20 étaient en Afrique, 9 en Asie, 6 en Amérique latine et des Caraïbes et 2 en Europe (AQOCI, 2008).alimentation de proximité

La persistance des problèmes alimentaires a donc convaincu des pays comme le Sénégal et aussi la communauté internationale à   considérer que plus que la disponibilité des aliments, c’est la capacité d’accéder aux aliments, donc à les acheter, par toutes les catégories de la population qui était la question cruciale pour réaliser la sécurité alimentaire. En Afrique, cette prise de conscience ou plutôt cette prise de position s’était traduite par la création d’organismes régionaux pour stimuler les échanges des produits agricoles et avoir des dispositifs d’alerte pour éviter les catastrophes ; il s’agit par exemple du Comité Inter-Etats de lutte contre la sécheresse (CILSS), du Réseau de prévention des crises alimentaires au Sahel (RPCAS), de Réseau des organisations paysannes et des producteurs d’Afrique de l’Ouest (ROPPA).

La perspective de fonder les stratégies alimentaires non plus sur l’augmentation de la production céréalière dans chaque pays mais sur l’amélioration des revenus des paysans, convergeait parfaitement avec les principes fondamentaux des politiques d’ajustement structurel qui se mettaient en place à cette époque dans beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si certaines dimensions du concept de sécurité alimentaire s’intégraient parfaitement dans le paradigme de l’ajustement et autorisent cette adéquation19. Appliquée en Afrique, « la place accordée aux importations commerciales et à l’Aide alimentaire dans les disponibilités alimentaires correspondait aux politiques de libéralisation du commerce extérieur, au processus d’intégration croissante dans le commerce international et à la spécialisation internationale dans les productions traditionnelles d’exportation proposée aux pays d’Afrique subsaharienne par le FMI et la Banque mondiale »20. La sécurité alimentaire semblait alors bien adaptée au contexte  macroéconomique parce que bien insérée dans cette orientation économique libérale. Elle marque ainsi l’émergence au niveau international d’une nouvelle approche face aux multiples problèmes posés par l’alimentation mondiale.

Cette approche planétaire du fait alimentaire est une approche humaniste dans sa définition. Elle se fonde sur le droit à la nourriture pour tous, mais demeure en cohérence parfaite avec la logique du marché ouvert, qui elle repose sur les principes de disponibilité des produits, des échanges, et donc des prix. Cette conception de la satisfaction des besoins alimentaires qui privilégie le commerce et la marchandisation planétaire des produits agricoles alimentaires apparaît en fait à la fin des années 70. Précisément en 1974, à la conférence mondiale sur la sécurité alimentaire, parce que les stocks mondiaux de produits agroalimentaires étaient insuffisants à cause des pertes de récoltes dans les grands pays producteurs, l’idée qu’une alimentation humaine appropriée dépendait de la production agricole et du marché a été acceptée par tous. Cela signifiait pour la communauté internationale que les fléaux liés à la faim et à la malnutrition dans le monde allaient disparaître grâce à une augmentation significative de la production agricole mondiale. A la fin des années 70, la production agricole mondiale s’était considérablement redressée sans pour autant que les problèmes alimentaires (pénurie, soudure, etc.) ne disparaissent. Au contraire, ils continuaient à atteindre des proportions importantes et inquiétantes comme lors des famines du Sahel et de l’Éthiopie, d'où l'urgente nécessité de faire évoluer le concept et de produire autrement

Dr Boubacar Ba 

 

Ce texte est extrait de mon article dans la revue CIRIEC Canada, Économie et solidarité, volume 39, numéro 1, 2008, pp. 114-131

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9 octobre 2010 6 09 /10 /octobre /2010 17:06


Dans le cadre jean-marc elade l'hommage rendu à l'écrivain camerounais Jean-Marc Ela (en image)  au Canada, l'université du Québec en Outaouais (UQO), le laboratoire ARUC et la Chaire Senghor m'ont convié à une réflexion sur "le Savoir, la culture, le développement et la renaissance en Afrique". Ce colloque s'est tenu dans les locaux de l'UQO les 6 et 7 octobre 2010. A cette occasion j''ai pris le parti de réfléchir sur le Nouveau p artenariat économique du développement en Afrique (NEPAD).

   En effet, comme on le sait, le début des années 2000 est marqué, aussi bien en Afrique que sur l’international, par une sorte de confrontation de deux courants à propos du devenir continent premier, un prônant un afro-pessimisme que je considère suspect et un autre un afro-optimisme parfois exacerbé. Dans les deux cas, la question n’est pas de savoir où se situe la vérité, mais plutôt pourquoi a-t-on assisté à la recrudescence de telles pensées, et ce, à ce moment précis?

  Visiblement, le bilan des indépendances et le bilan d’une Afrique qui constate son retard économique semblent s’imposer à la plupart de ses dirigeants et des intellectuels. Les chemins pour les faire ont été assez nombreux, mais celui que nous avons décidé de retenir dans le cadre de ce colloque c’est celui qui nous vient de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), aujourd’hui l’Union Africaine (UE), il s’agit du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD). Nous l’avons retenu parce qu’il pose la problématique en des termes plus complexes, notamment celui de la renaissance africaine et celui du rattrapage économique et social.

  Mais, au-delà du NEPAD qui faut-il le rappeler avait reçu l’approbation des grandes institutions du développement et de la plupart des intellectuels panafricanistes, se mettait en place dans le continent, pour la première depuis les années 60, une initiative endogène qui essayait de concilier l’économique et l’identité. Cette initiative s’inscrivait dans un processus historique de prise de conscience politique, laquelle avait amené les Chefs à faire évoluer l’OUA vers l’Union Économique, une organisation politique plus intégrée et plus adaptée aux réalités socioéconomiques du moment. Quelle pertinence accordée aux choix stratégiques conférés au NEPAD? Que retenir des fondements théoriques et opérationnels? Qu’en est-il de l’approche régionale d’une part et de l’approche personnalisée, ont-elles favorisé la mise en œuvre des programmes du NEPAD?

  De toutes ces questions, nous nous sommes entretenus à l'occasion du colloque.

Pour en savoir plus, lire le document ici.

Dr. Boubacar Ba

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14 août 2010 6 14 /08 /août /2010 06:02

 

MackyIl y a quelques mois, Macky Sall (en image) proposait d’ériger la diaspora en quinzième région administrative et territoriale du Sénégal. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Macky Sall est actuellement le président du parti Alliance Pour la République, dit aussi APR/Yaakaar. Auparavant, il fut successivement ministre de l’Industrie, Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale du Sénégal. C’est dire que donc que le monsieur en a vécu en termes d’expériences politique et d’administration territoriale. Son idée apparemment moquée et négligée, si je m’en refaire aux réactions dans les fora de la presse en ligne, est probablement plus intéressante qu’on n’a semblé le dire.

Bien évidemment, et je suis le premier à le reconnaître, Macky Sall en portant une telle initiative dans le débat préélectoral recherchait peut-être, en premier, à agglomérer les voix de la diaspora et surtout les capacités de celle-ci à influer sur les votes et  la mobilisation des moyens en vue de la prochaine élection présidentielle. Acceptons tout de suite pour le dépasser qu’il s’agit là de calculs électoralistes, pour autant convenons ensemble qu’on ne peut reprocher à un homme politique d’avoir de telles visées. Personnellement, ces calculs ne me laissent pas indifférent, mais ne m’intéressent pas plus que ça. En revanche, qu’une idée de nature électoraliste puisse changer le Sénégal, puisse aider une partie de sa population à mieux s’épanouir, une telle idée m’intéresse. Et c'est dans ce sens que je pense que la proposition de Macky méritait et mérite une réflexion plus approfondie. Un tel intérêt me fait regretter que les médias et les intellectuels ne se soient pas l’appropriés pour en discuter la pertinence, la portée et les limites. Voilà une idée qui,  mise en œuvre, changerait le visage du Sénégal dans plusieurs aspects, en particulier dans le domaine territorial, administratif et social.

Maintenant, que disait Macky en proposant de faire de la Diaspora la quinzième région du Sénégal ? Si je puis me permettre une interprétation, il voulait régionaliser la Diaspora. La question qui vient à l’esprit, c’est quelle la faisabilité d’un tel projet?

À l’heure de la mondialisation, à l’heure des communications et de l’effacement des distances, et compte tenu de la place centrale de la Diaspora dans les familles sénégalaises et la vie économique du pays, l’idée d’intégrer cette Diaspora dans le tissu territorial national est un objectif sur lequel tout gouvernement devrait engager une réflexion stratégique. Je sais que dans la compréhension générale, la Diaspora n’est pas un territoire, encore moins un espace physique et que donc vouloir la régionaliser relèverait d'un contre-sens.

Eh bien non. Je pense que la région dans le sens de Macky doit être entendue plutôt comme un espace de gestion, un cadre territorial déterritorialisé, limité et administré. Il s’agit d’un lieu et d’un outil par lequel les autorités pourraient arriver à avoir un « contrôle » sur les ressortissants sénégalais, comme elles le font dans les différentes régions du pays. La première qualité d’un Etat responsable, qui voudrait exercer son pouvoir au service de sa population, est d’une part de savoir compter sa population et d’autre part de pouvoir établir un référencement spatial précis de cette population; il y va de la maîtrise de la sécurité et des investissements. Comptage et référencement sont deux exigences sans lesquelles toute politique d’aménagement du territoire, donc de valorisation des ressources humaines et physiques, sera hasardeuse, imprécise et à terme inefficace.

Ériger la Diaspora en région implique plusieurs conséquences. D’un point de scientifique, ce serait une révolution parce que jusque-là l’administration territoriale est d’inspiration napoléonienne. Ce serait la première fois dans l’histoire de l’aménagement du territoire que l’espace déterritorialisé - la composante humaine - est intégré dans le dispositif administratif au même titre que le territoire physique traditionnel. Et en le faisant, on reste dans la conception rafestinienne du territoire qui privilégie le ressenti et le produit.

L’intérêt scientifique ne devrait pas toutefois occulter la portée économique, sociale et culturelle d’une telle initiative. En effet, la Diaspora cesserait ainsi d’être traitée par l’altérité et les clichés de l’immigré parce qu’elle rentrerait, comme le sont les autres populations du Sénégal, dans le système territorial national de management des ressources. Elle cesserait également d’être perçue comme un simple groupe d’individus dispersés à travers le monde et dont le lien avec le pays d’origine s’entretient par des envois d’argent et par des appels téléphoniques. De mon point de vue, l’érection de la Diaspora en région sera d’autant plus facilitée que l’épineux problème du découpage ne se posera pas parce que réglé en avance par l’insertion des immigrés dans des pays aux contours bien définis. Le défi se situera davantage dans la structure matérielle et technique qui sera mise en place pour assurer une gestion adéquate d’une telle région dont forcément les caractéristiques spécifiques commandent des ressources humaines scientifiques toutes aussi spécifiques.  

Du point de vue des immigrés, il s’agirait là d’un moyen efficace pour entretenir la fibre patriotique et le développement du sentiment d’appartenance. À l’heure de la mondialisation et de la multiculturalisation des sociétés, cet aspect identitaire me semble important pour la Diaspora Sénégalaise. On constate que dans certains pays d’accueil, actuellement, on parle de deuxième ou de troisième génération d’immigrés. Donc, il est nécessaire pour ces nouvelles générations, qui sont souvent en majorité des fils d’immigrés, dont le lien avec le Sénégal dépend exclusivement de la volonté des parents, d’avoir d’autres moyens d’entrer en contact avec le pays de leurs parents. Comme on l’observe en Amérique du Nord, en l’absence de tels moyens, ces catégories de Sénégalais risquent, au fil du temps, de devenir comme les diasporas Italienne, Libanaise et Brésilienne ou autres; c’est-à-dire qu’elle va s’américaniser jusqu’à l’effacement total des liens culturels avec le pays d’origine. L’autre raison qui justifie que la Diaspora soit érigée en région, c’est son poids démographique et ses capacités d’investissement et de création des ressources. Aujourd’hui, comparativement aux régions du pays, la région-diaspora est du point de vue démographique la région la plus peuplée après celle de Dakar. Elle concentre presque 15% de la population, un chiffre qui justifie amplement que l’État et le gouvernement reconsidèrent leurs façons de faire.

D’autres aspects liés à la régionalisation de la Diaspora seront abordés dans notre prochaine contribution.

 

Dr Boubacar Ba

Fondation Biotechnologie pour le développement durable en Afrique, Canada

Courriel. BBa.emails@gmail.com

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 19:03

BBa001.jpgIl reste encore à faire pour que l'alimentation soit intégrée dans les constitutions au même titre que les droits de l'homme. Cependant, des efforts sont en train de se faire. Un processus est en cours, notamment en Afrique et en Asie. On retrouve la reconnaissance de ce droit dans des instruments spécifiques comme les conventions internationales, pour des groupes spéficifiques comme les enfants. Le droit à l'alimentation est défini comme un contexte dans lequel chaque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec autrui, a accès à tout instant, physiquement et économiquement, à une alimentation adéquate ou aux moyens de se la procurer. Peut-être qu'il serait-il plus court et plus pertinent de dire que le droit à l'alimentation c'est le droit à la vie de chacun et qu'il est de la responsabilité des Etats d'en créer les conditions de sa réalisation. 

      Depuis 1996, lors du sommet tenu la même année à Romel'Assemblée générale de la FAO avait instruit l'organisme afin qu'un contenu juridique soit donné au concept. C'était le premier jalon d'un long processus qui venait d'être posé. Et depuis cette date, le concept n'a pas cessé d'évoluer. Mieux, en avril 2000, la Commission onusienne des droits de l'homme en reconnaissait la nécessité et donnait mandat au Rapporteur Spécial sur le Droit à l'alimentation, à le professeur Jean Ziegler.

      Il a fallu longtemps pour que la communauté internationale, celle qui en générale décide des grandes orientations du monde, s'accorde sur l'idée que l'alimentation avait la même importance que les droits de l'homme. Peut-être que je me trompe, mais ce retard pourrait s'expliquer par le fait les droits des hommes ont été bafoués en Occident lors des grandes guerres. Par conséquent, le nouvel ordre mondial qui s'en est suivi a essayé de se doter des instruments qui le (ce monde occidental) préservent d'un éventuel retour à cette barbarie. Peut-être aussi, que le droit à l'alimentation n'a pas existé parce que les Etats ne voudraient pas courrir le risque d'être traîner en justice par des citoyens privés de ce droit.

      Actuellement, le droit à la nourriture est énoncé dans les constitutions de plus de 20 pays, et quelque 145 pays ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, un pacte qui invite expressément les Etats signataires à légiférer pour le droit à une nutrition adéquate.

     Au moment de mettre en ligne, j'en vois déjà qui ne manqueront pas de me dire que le droit ne donne pas à manger. Certes oui, il ne donne pas à manger mais il le permet. Il le permet et il est utile parce que l'alimentation est plus complexe qu'il n'y paraît. Les conditions de sa réalisation requièrent un ensemble de moyens, d'organisation et de décisions dont la majeur partie incombe aux pouvoirs publics. De façon plus large, accepter l'universalisation de ce droit conduirait bon nombre d'Etats à reconsidérer leurs politiques par exemple en immigration. À l'heure de la mondialisation, au moment où l'on recherche des solutions à la crise économique capitaliste, il me semble qu'ériger l'alimentation au rang de droit universel serait un excellent d'humaniser l'économie.

      J'attends avec impatience que la Banque mondiale instruise ce concept et l'intègre dans ses approche du développement. Je l'appelle de mes voeux parce que, pour moi, le droit à l'alimentation participe des droits des citoyens et qu'à ce titre, il est un devoir fondamental des Etats d'assurer les conditions de sa mise en application. A l'heure de la mondialisation et de la reconnaissance de tous les droits humains, que la plus part des Etats continuent de traîner les pieds sur ce sujet est préoccupant.

      Mais vous en conviendrez avec moi qu'une telle reconnaissance de l'alimentation -comme un droit universel- serait "un grand pas pour l'humanité". Evidemment, cela n'effacera pas la famine de la planète des hommes, mais ce serait un formidable progrés de notre civilisation.

 Dr Boubacar BA
Fondation Biotechnologie pour le développement durable


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