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Un Peu De Moi

  • Dr Boubacar Ba
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Recherche

23 mai 2020 6 23 /05 /mai /2020 03:56

Groupe Interdisciplinaire de Recherche pour l’Appui à la planification régionale et le développement local (GIRARDEL)

Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal

Appel à contributions

Numéro thématique des Cahiers du GIRARDEL

Sous la Direction de Dr Boubacar Ba (UGB, Sénégal), la Coordination du Pr. Sidy M. Seck (GIRADEL, UGB), du Pr. Mouhamadou Maouloud Diakhaté

et d’un Comité Scientifique International

 

Décentralisation et développement territorial au Sénégal : permanences et ruptures

 

La décentralisation est depuis quelques décennies, en Afrique francophone, une composante essentielle dans le dispositif de gestion et d’administration des territoires (Totté M. et al.  2003; Mback N. C., 2003). Au Sénégal où elle est une vieille tradition, elle a subi et traversé beaucoup de mutations qu’on peut, à la lumière de la situation actuelle, considérer comme un processus d’affinement de la responsabilisation des populations (Ba, 2016 ; Diop, 2016). Elle est jalonnée par un processus de transfert de pouvoirs et de décisions à la population avec une certaine parcimonie pour l’adapter au niveau de maturité politique et citoyenne de celle-ci (Diop D., 2006 ; Diop A., 2011). La première réforme dans ce sens après l’accession du Sénégal à l’indépendance est le Code de l’administration communale par la loi 66-64 du 30 juin 1966. Cependant, tel que son processus est officiellement conçu, la décentralisation, dans sa quête continue d’un développement territorialisé, est matérialisée par trois réformes majeures.

D’abord, la réforme de 1972 qui a recréé l’armature territoriale nationale avec l’introduction d’une dichotomie entre l’espace rural et l’espace urbain. Mais au fil des années, et avec l’avènement des politiques d’ajustement structurel et le besoin de démocratisation des systèmes de gouvernance, il a fallu introduire une autre dynamique adaptée au nouveau contexte de développement local des années 1990. C’est à partir de là qu’une deuxième réforme majeure sera entreprise en 1996, pour répondre aux critères de bonne gouvernance, notamment à travers la responsabilisation des acteurs locaux. C’est le Code général des collectivités locales, le transfert de neufs domaines de compétences aux collectivités locales et la régionalisation, qui vont matérialiser ce nouvel élan du Sénégal. Cette réforme de 1996 place la région au rang de première collectivité dans l’architecture de l’administration locale et comme le moteur du développement local. Après que cette régionalisation a montré ses limites en matière d’impulsion et d’harmonisation du développement territorial, le Sénégal s’est engagé dans une nouvelle réforme, en l’occurrence, l’Acte III de la Décentralisation promulgué en 2013. Elle s’adosse sur un dispositif politico-institutionnel renforcé par la mise en place de nouvelles institutions ainsi que la création d’un nouveau code des collectivités territoriales, ceci pour réparer les inégalités et incohérences que « l’écosystème » territorial sénégalais continue de traîner depuis l’indépendance. La réforme de 2013, communément appelée Acte 3 de la décentralisation, est structurée autour de trois objectifs :

  1. la communalisation intégrale pour l’homogénéisation des échelons de base ;
  2. la départementalisation qui déclasse la région de l’architecture territoriale ;
  3. l’émergence de pôles de développement territorial capables de dépasser les inégalités régionales.

 

Ailleurs, en Afrique également, la décentralisation a réussi à s’imposer au sein d’États jacobins et parfois autoritaires, donc peu préparés ou enclins au partage du pouvoir. Aujourd’hui, elle est quasiment inscrite dans un processus d’irréversibilité parce que de plus en plus perçue et vécue comme un outil stratégique de développement territorial et d’approfondissement démocratique. Depuis 2013, l’option de la territorialisation des politiques publiques de développement par le gouvernement sénégalais s’inscrit dans ce contexte, et mieux, consolide le rôle d’avant-garde des collectivités dans la mise en œuvre des activités de développement et d’aménagement du territoire. Ce renforcement de la position stratégique des territoires et de la décentralisation, bien que salué par les acteurs territoriaux, révèle au grand jour un certain de nombre de contraintes. D’abord, il pose les jeux et enjeux de compétences entre les pouvoirs centraux et les collectivités territoriales, ensuite l’opposition entre la diversité des territoires et l’unicité, voire l’uniformité, des lois et enfin les difficultés d’appropriation territoriale auxquelles sont confrontées les collectivités en raison de leur incapacité à connaître leur territoire en termes de limites (foncier, découpage), de ressources (humaines et naturelles), ce qui in fine compromet leur rôle de pôle de développement.

L’expérience des collectivités territoriales à forte identité (culturelle, religieuse, géographique, etc.) démontre les difficultés et peut-être l’incongruité d’appliquer les lois de manière uniforme sur l’ensemble des territoires décentralisés. Alors, faudrait-il dans de telles situations aller dans un approfondissement de la législation territoriale qui tienne compte de la différenciation territoriale de manière à considérer les spécificités locales et territoriales et de s’affranchir de cette tradition « unitaire et indivisible » qui a présidé à l’organisation des territoires au Sénégal ? Cette question sur les spécificités est d’autant plus fondamentale qu’elle pourrait aider à réfléchir sur le trouble noté dans la répartition et l’exécution des compétences entre les différentes administrations mais également entre les échelles territoriales. Par exemple, quelles articulations mettre en place entre les collectivités territoriales et les nombreux projets de l’État central (PUDC, PUMA, PROMOVILLES, construction d’infrastructures dans les cités religieuses, etc.) de façon à ce qu’ils soient des projets de territoires (pensés et exécutés avec les acteurs territoriaux) plutôt que des projets de l’État central ?

En matière d’administration des ressources et de l’espace territorial, notamment sur les questions de sécurité, les appels à la réforme de l’administration centrale n’ont cessé d’être faits par les acteurs territoriaux. Bien que la décentralisation sénégalaise soit érigée en modèle, l’actualité du Covid-19 a mis au jour d’importantes divergences entre pouvoir central et pouvoirs territoriaux décentralisés, notamment sur le rôle famélique accordé aux élus locaux dans la gestion de la crise. Une situation qui remet en surface un manquement institutionnel de la décentralisation sénégalaise relatif au statut du maire. Par exemple, comment comprendre qu’en situation d’état d’urgence et de couvre-feu que les élus locaux, dans leur territoire, soient dépossédés par le pouvoir central qui les confine au même rang que leur population ? N’est-ce pas là, l’expression d’une décentralisation bloquée et la prééminence des pouvoirs centraux et déconcentrés sur les pouvoirs locaux ? Le contexte du Covid-19 est symptomatique d’une situation plus globale qui fait qu’à chaque fois qu’il s’est agi de gestion de crise (inondations, sécheresses, intempéries, etc.), les élus locaux sont victimes d’une « mise à l’écart » en ce qui concerne les prises de décision et l’administration des ressources. Les structures déconcentrées de l’État (gouverneurs, préfets, sous-préfets, services techniques de l’État) sont mises en avant alors que dans un schéma de décentralisation plus achevé, les élus devraient (en tant de dépositaires de la légitimité populaire), bénéficier de responsabilités plus affirmées et avec de plus de visibilité y compris au plan médiatique.

Tout ce qui précède définit le contexte global de réflexion autour duquel sera construit ce numéro spécial des Cahiers du GIRARDEL. De manière plus spécifique, cet appel à contributions a pour objectif d’analyser de manière critique les dynamiques de la décentralisation africaine en général et sénégalaise en particulier afin de répondre aux impératifs juridico-institutionnels, financiers et spatiaux du développement des territoires. Quelles lectures faire du processus de décentralisation au Sénégal et en Afrique ? Comment a-t-il contribué à la culture du développement territorial ? Quels sont le sens, la portée et les limites de la territorialisation des politiques publiques de développement dans un contexte décentralisé ? Quelles sont les innovations de la décentralisation ? Comment se traduisent-elles dans la pratique ? Quelles sont leurs pertinences et limites ? Quels obstacles à l’accomplissement de la décentralisation sénégalaise ?  Quelles sont les évolutions à court et moyen termes ? Telle qu’elle est mise en œuvre, la décentralisation creuse-t-elle ou réduit-elle les inégalités territoriales ? Comment les multiples acteurs (État central, structures déconcentrées de l’État, collectivités territoriales, OSC, etc.) défendent-ils, négocient-ils leurs visions, leurs positions, leurs champs de compétence, le contrôle et la gestion des ressources publiques ? Quelles lectures faire des rapports entre les structures déconcentrées de l’État et les collectivités territoriales ? Quelles articulations entre collectivités locales et Pôles de développement territorial autrement appelés Pôles-territoires ?

L’ensemble de ces questionnements sera traité à travers trois thématiques :

  1. Décentralisation et territoires ;
  2. Décentralisation et gouvernance locale (contraintes et limites) ;
  3. Perspectives d’amélioration des politiques de décentralisation (différenciation territoriale, expérimentation territoriale, durabilité).

 

Cet appel à contributions des Cahiers du GIRARDEL est lancé pour des productions scientifiques pluridisciplinaires, en provenance de toutes les disciplines des sciences sociales, humaines et politiques. Nous privilégierions des analyses novatrices permettant un regard renouvelé sur les expériences de décentralisation au Sénégal et en Afrique francophone. 

Un Comité Scientifique International est mis en place pour le pilotage et la validation de ce numéro spécial des Cahiers du GIRARDEL dont la direction est assurée par Dr Boubacar BA et la coordination par Pr Sidy M. SECK et Pr Mamadou Maouloud Diakhaté.

Veuillez envoyer le résumé de votre contribution (400 mots au maximum) au plus tard le 30 juin 2020, aux adresses suivantes :

Boubacar Ba : boubacar.ba@ugb.edu.sn

brahima Diatta : ibrahima.diatta@ugb.edu.sn ou ibrahima.diatta@gmx.fr

Rougyatou Ka : karougy92@gmail.com

 

Les auteurs des résumés sélectionnés par le Comité Scientifique International seront informés avant le 15 juillet 2020 et un délai leur sera accordé pour produire leur article.

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